
Le titre du roman et sa couverture suffisent à poser clairement le thème et le ton : provocation, incompréhension, le "ils" et le "vous"... Tout ce qui vient à l'esprit sera abordé sans détour : misère sociale, traffics en tout genre, violence physique et verbale, intégrisme religieux, antisémitisme, émeutes et délinquance, injustice et insécurité, politiques dépassés, police et justice inefficientes, enseignants désemparés, voyeurisme racoleur des médias... Ca tape dur, partout où ça peut. Et pas la moindre concession, aucune lueur d'espoir à l'horizon.
Tout cela m'a laissé perplexe et vaguement nauséeux. Pour dénoncer, Thierry Jonquet n'hésite pas à appuyer là où ça fait mal, quitte à frôler d'assez près la caricature. Et à livrer un roman qui entre en parfaite résonnance aux discours sécuritaires qui ne sont sans doute pas ceux que soutient son auteur, bien au contraire. A faire dans la provocation pour dénoncer, Thierry Jonquet semble avoir sacrifié une bonne partie de la justesse de son regard. Et pourtant, on devine malheureusement derrière tout cela une effrayante lucidité, un réalisme dur qu'on ne peut nier. Mais je ne comprends pas très bien où cette oeuvre est censée nous emmener. Sans doute ne le sait-il pas trop bien non plus, à l'image de l'un de ses personnages, ex-soixante-huitard profondément désabusé... Bref, un roman ambigu dont je ne sais trop quoi penser. Sur la forme, c'est bien écrit et plutôt captivant, je l'ai dévoré sans m'ennuyer un instant. Sur le fond, c'est une autre histoire....
Note globale : 5/10
Mais plutôt que de rester sur cette impression en demie-teinte, je préfère conclure sur l'extrait du poème de Victor Hugo auquel ce roman doit son titre choc. Peut être y trouve-t-on le vrai sens de ce roman, difficilement atteint ; celui du simple constat d'une situation en plein pourrisement.
Etant les ignorants, ils sont les incléments,
Hélas combien de temps faudra-t-il vous redire
A vous tous que c'est à vous de les conduire,
Qu'il fallait leur donner leur part de la cité
Que votre aveuglement produit leur cécité !
D'une tutelle avare, on recueille les suites,
Et le mal qu'ils vous font, c'est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main
Et renseignés sur l'ombre et sur le vrai chemin.
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe,
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte.
C'est qu'ils n'ont pas senti votre fraternité.
Comment peut-il penser, celui qui ne peut vivre ?
Hélas combien de temps faudra-t-il vous redire
A vous tous que c'est à vous de les conduire,
Qu'il fallait leur donner leur part de la cité
Que votre aveuglement produit leur cécité !
D'une tutelle avare, on recueille les suites,
Et le mal qu'ils vous font, c'est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main
Et renseignés sur l'ombre et sur le vrai chemin.
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe,
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte.
C'est qu'ils n'ont pas senti votre fraternité.
Comment peut-il penser, celui qui ne peut vivre ?